Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/218

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ne la conduira pas à conjecturer que ce malade qui presse tant pour la voir est son fils lui-même ?

Or, en ce cas, il était fort possible qu’elle refusât de venir d’un autre côté, son refus, quelque obstiné qu’il fût, n’empêcherait pas qu’elle n’eût de grands mouvements d’attendrissement, et il me semblait qu’alors Brunon qu’elle aimait, venant à l’appui de ces mouvements, et se jetant tout d’un coup en pleurs aux genoux de sa belle-mère, triompherait infailliblement de ce cœur opiniâtre.

Ce que je prévoyais n’arriva pas, ma tante ne fit aucune des réflexions dont je parle ; et cependant la présence de Brunon ne nous fut pas absolument inutile.

Mme Dursan lisait quand nous entrâmes dans sa chambre. Elle connaissait beaucoup l’ecclésiastique que nous lui menions ; elle lui confiait même de l’argent pour des aumônes.

Ah ! c’est vous, monsieur, lui dit-elle ; venez-vous me demander quelque chose ? Est-ce vous qu’on a été avertir pour l’inconnu qui est là-bas ?

C’est de sa part que je viens vous trouver, madame, lui répondit-il d’un air extrêmement sérieux ; il souhaiterait que vous eussiez la bonté de le voir avant qu’il mourût, tant pour vous remercier de l’hospitalité que vous lui avez si généreusement accordée, que peut vous entretenir d’une chose qui vous intéresse.

Qui m’intéresse ! moi ? reprit-elle. Eh ! que peut-il avoir à me dire qui me regarde ? Vous avez, dit-il, un fils qu’il connaît, avec qui il a longtemps vécu avant