Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/225

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Elle ne l’était pas cependant. Elle se trouva mal ; mais elle ne perdit pas connaissance ; et nos cris, avec les secours que nous lui donnâmes, rappelèrent insensiblement ses esprits.

Ah ! mon Dieu ! dit-elle après avoir jeté quelques soupirs, à quoi m’avez-vous exposé, Tervire ?

Hélas ! ma tante, lui répondis-je, fallait-il vous priver du plaisir de pardonner à un fils mourant ? Ce jeune homme n’a-t-il pas des droits sur votre cœur ? N’est-il pas digne que vous l’aimiez ? Et pouvons-nous le dérober à vos tendresses ? ajoutai-je en lui montrant Dursan le fils, qui se jeta sur-le-champ à ses genoux, et à qui cette grand’mère, déjà toute rendue, tendit languissamment une main qu’il baisa en pleurant de joie. Et nous pleurions tous avec lui. Mme Dursan, qui n’était encore que Brunon, l’ecclésiastique lui-même, Mme Dorfrainville et moi, nous contribuâmes tous à l’attendrissement de cette tante, qui pleurait aussi, et qui ne voyait autour d’elle que des larmes qui la remerciaient de s’être laissé toucher.

Cependant tout n’était pas fait : il nous restait encore à la fléchir pour Brunon, qui était à genoux derrière le jeune Dursan, et qui, malgré les signes que je lui faisais, n’osait s’avancer, dans la crainte de nuire à son mari et à son fils, et d’être encore un obstacle à leur réconciliation.

En effet, nous n’avions eu jusque-là qu’à rappeler la tendresse d’une mère irritée, et il s’agissait ici de triompher de sa haine et de son mépris pour une