Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/248

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l’embrassai de joie ; car toutes ses façons me plaisaient, je les trouvais nobles et affectueuses, et ce petit moment de conversation particulière venait encore de me lier à elle. De son côté, elle me serra tendrement dans ses bras. Ne disputons plus, me dit-elle après, voilà un de vos louis que je prends ; c’est assez, puisqu’il n’est question que de prendre. Non, répondis-je en riant, n’y eût-il qu’un quart de lieue d’ici chez vous, je vous taxe à davantage. Eh bien ! mettons-en deux pour avoir la paix, et marchons, reprit-elle.

Je l’emmenai donc. Il y avait un instant qu’on avait servi, et on nous attendait. On la combla de politesses, et Mme Darcire surtout eut mille attentions pour elle.

Je lui avais promis de veiller sur elle à table et je lui tins parole, du moins pour la forme. On m’en fit la guerre, on me querella, je ne m’en souciai point. C’est une rigueur à laquelle je me suis engagée, dis-je ; madame n’est venue qu’à cette condition-là, et je fais ma charge.

Ma prétendue rigueur n’était cependant qu’un prétexte pour lui servir ce qu’il y avait de meilleur et de plus délicat ; et quoique, pour entrer dans le badinage, elle se plaignît d’être trop gênée, il est vrai qu’elle mangea très peu.