Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/260

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Vous jugez bien que, dès qu’il fut sorti, je n’oubliai pas de remercier Mme Darcire du portrait flatteur qu’elle avait fait de moi, et de cette colère vraiment obligeante avec laquelle elle avait défendu ma famille et vengé les miens des mépris de ma belle-sœur. Mais ce que le procureur nous avait dit ne servit qu’à me confirmer dans ce que je pensais de la situation de ma mère, et plus je la croyais à plaindre, plus il m’était douloureux de ne savoir où l’aller chercher.

Il est vrai qu’à proprement parler je ne la connaissais pas ; mais c’était cela même qui me donnait ce désir ardent que j’avais de la voir. C’est une si grande et si intéressante aventure que celle de retrouver une mère qui vous est inconnue ; ce seul nom qu’elle porte a quelque chose de si doux !

Ce qui contribuait encore beaucoup à m’attendrir pour la mienne, c’était de penser qu’on la méprisait, qu’elle était humiliée, qu’elle avait des chagrins, qu’elle souffrait même ; car j’allais jusque-là, et je partageais son humiliation et ses peines ; mon amour-propre était de moitié avec le sien dans tous les affronts que je supposais qu’elle essuyait, et j’aurais eu, ce me semble, un plaisir extrême à lui montrer combien j’y étais sensible.

Il se peut bien que mon empressement n’eût pas été si vif, si je l’avais su plus heureuse, et c’est que je ne me serais pas flattée non plus d’être si bien reçue ; mais j’arrivais dans des circonstances qui me répondaient de son cœur ; j’étais comme sûre de la trouver meilleure