Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/287

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Enfin ma mère, que personne ne défendait, qui n’avait ni parents qui prissent son parti, ni amis qui s’intéressassent à elle ; car des amis courageux et zélés, en a-t-on quand on n’a plus rien, qu’on ne fait plus de figure dans le monde, et que toute la considération qu’on y peut espérer est pour ainsi dire à la merci du bon ou du mauvais cœur de gens à qui l’on a tout donné, et dont la reconnaissance ou l’ingratitude sont désormais les arbitres de votre sort ?

Enfin ma mère, dis-je, abandonnée de son fils, dédaignée de sa belle-fille, comptée pour rien dans la maison où elle était devenue comme un objet de risée, où elle essuyait en toute occasion l’insolente indifférence des valets, même pour tout ce qui la regardait, sortit un matin de chez son fils, et se retira dans un très petit appartement qu’elle avait fait louer par cette femme de chambre dont je viens de vous parler tout à l’heure, qui ne voulut point la quitter, et pour qui, dans l’accommodement qu’elle avait fait avec son fils, elle avait aussi retenu cent écus de pension dont elle a été près de huit ans sans recevoir un sol.

Ma mère, en partant, laissa une lettre pour le jeune marquis, où elle l’instruisait des raisons de sa retraite, c’est-à-dire de toutes les indignités qui l’y forçaient, et lui demandait en même temps deux quartiers de sa propre pension, dont il ne lui avait encore rien donné, et dont la moitié lui devenait absolument nécessaire pour l’achat d’une infinité de petites choses dont elle ne pouvait se passer dans cette maison où elle