Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/31

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il me paraissait le plus indigne homme du monde, et je ne prétends pas qu’il n’ait point de tort, je dis seulement qu’il en a moins que nous ne nous l’imaginons ; et je ne le dis même que pour diminuer l’affliction où vous êtes, que pour vous rendre son procédé moins fâcheux ; ce n’est que par amitié que je vous parle. Ecoutez jusqu’au bout : vous l’avez regardé comme un volage, comme un perfide qui a subitement changé ; et point du tout, cela vient de plus loin ; il y avait déjà quelque temps qu’il tâchait d’avoir d’autres sentiments. Voilà ce qu’il m’a dit, presque la larme à l’œil ; c’était même un peu avant votre maladie qu’il combattait son amour qu’on lui reprochait ; il cherchait à se dissiper, à aimer ailleurs ; il ne voulait qu’un objet : il m’a vue, je ne lui ai point déplu, il a senti cette légère préférence qu’il me donnait sur d’autres, et il en a profité pour s’en tenir à moi ; voilà tout.

Eh ! mon Dieu, mademoiselle, lui dis-je en l’interrompant, est-ce donc là ce que vous voulez que j’écoute ? Est-ce là la consolation que vous m’apportez ?

Eh ! mais oui, reprit-elle, je me suis figuré que c’en était une. N’est-il pas plus doux pour vous de penser que ce n’est point par inconstance, ou faute d’amour, qu’il vous a laissée ? que même il s’est fait violence en vous quittant ; et qu’il ne vous quitte que par des motifs qu’il croit raisonnables, et qui, si je ne me trompe, vous le paraîtront assez, si vous voulez que je vous les dise, pour vous ôter la désagréable opinion que vous avez de lui : et je ne tâche pas à autre chose.