Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/402

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honnête homme d’être si amoureux de votre personne, sans se soucier d’elle : bonjour, jusqu’au revoir, que le ciel vous conduise.

Je lui tins ce discours d’un air si gai en la quittant, qu’elle ne sentit point que je me moquais d’elle.

Cependant l’amour de monsieur pour Geneviève éclata un peu dans la maison. Les femmes de chambre ses compagnes en murmurèrent, moins peut-être par sagesse que par envie.

Voilà qui est bien vilain, bien impertinent ! me disait Toinette, qui était la jolie blonde dont j’ai parlé. Chut ! lui répondis-je. Point de bruit, mademoiselle Toinette : que sait-on ce qui peut arriver ? Vous avez aussi bien qu’elle un visage fripon ; monsieur a les yeux bons ; c’est aujourd’hui le tour de Geneviève pour être aimée ; ce sera peut-être demain le vôtre ; et puis, de toutes les injures que vous dites contre elle, qu’en arrivera-t-il ? Croyez-moi, un peu de charité pour l’amour de vous, si ce n’est pas pour l’amour d’elle.

Toinette se fâcha de ma réponse et s’en alla plaindre à madame en pleurant ; mais c’était mal s’adresser pour avoir justice. Madame éclata de rire au récit naïf qu’elle lui fit de notre conversation ; la tournure que j’avais donnée à la chose fut tout à fait de son goût, il n’y avait rien de mieux ajusté à son caractère.

Elle apprenait pourtant par là l’infidélité de son mari ; mais elle ne s’en souciait guère : ce n’était là qu’une matière à plaisanterie pour elle.

Es-tu bien sûre que mon mari l’aime ? dit-elle à Toinette, du ton