Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/405

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avec quoi, en partie, je suis parvenu dans la suite.

Le plaisir avec lequel j’avais pris cet argent ne fit qu’enhardir Geneviève à pousser ses desseins ; elle ne douta point que je ne sacrifiasse tout à l’envie d’en avoir beaucoup ; et dans cette persuasion, elle perdit la tête et ne se ménagea plus.

Suis-moi, me dit-elle un matin, je veux te montrer quelque chose.

Je la suivis donc, elle me mena dans sa chambre ; et là, m’ouvrit un petit coffre tout plein des profits de sa complaisance : à la lettre, il était rempli d’or, et assurément la somme était considérable ; il n’y avait qu’un partisan qui eût le moyen de se damner si chèrement, et bien des femmes plus huppées l’en auraient pour cela quitté à meilleur marché que la soubrette.

Je cachai avec peine l’étonnement où je fus de cette honteuse richesse ; et gardant toujours l’air gaillard que j’avais jusque-là soutenu là-dessus : Est-ce encore là pour moi ? lui dis-je. Ma chambre n’est pas si bien meublée que la vôtre, et ce petit coffre-là y tiendra à merveille.

Oh ! pour cet argent-ci, me répondit-elle, tu veux bien que je n’en dispose qu’en faveur du mari que j’aurai. Avise-toi là-dessus.

Ma foi ! lui dis-je, je ne sais où vous en prendre un, je ne connais personne qui cherche femme. Qu’est-ce que c’est que cette réponse-là ? me répliqua-t-elle : où est donc ton esprit ? Est-ce que tu ne m’entends pas ?