Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui était dans le fauteuil à celle qui entrait. Est-ce là le domestique qu’on devait nous donner ?

Non, ma sœur, reprit l’autre, c’est un honnête jeune homme que j’ai rencontré sur le Pont-Neuf ; et sans lui je ne serais pas ici, car je viens de me trouver très mal ; il s’en est aperçu en passant, et s’est offert pour m’aider à revenir à la maison.

En vérité, ma sœur, reprit l’autre, vous vous faites toujours des scrupules que je ne saurais approuver. Pourquoi sortir le matin pour aller loin, sans prendre quelque nourriture ? Et cela parce que vous n’aviez pas entendu la messe. Dieu exige-t-il qu’on devienne malade ? Ne peut-on le servir sans se tuer ? Le servirez-vous mieux quand vous aurez perdu la santé, et que vous vous serez mis hors d’état d’aller à l’église ? Ne faut-il pas que notre piété soit prudente ? N’est-on pas obligé de ménager sa vie pour louer Dieu qui nous l’a donnée, le plus longtemps qu’il sera possible ? Vous êtes trop outrée, ma sœur, et vous devez demander conseil là-dessus.

Enfin, ma chère sœur, reprit l’autre, c’est une chose faite. J’ai cru que j’aurais assez de force : j’avais effectivement envie de manger un morceau en partant ;