Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/465

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commençait à répandre, et par les éclats de voix dont elle remplissait la chambre, je quittai mon poste, et descendis vite dans la cuisine, où il y avait près d’un quart d’heure que Catherine m’attendait pour dîner.

Je n’ai que faire, je pense, d’expliquer pourquoi le directeur opinait sans quartier pour ma sortie, il leur avait dit dans son sermon qu’il était indécent que je demeurasse avec elles ; mais je crois qu’il aurait passé là-dessus, qu’il n’y aurait même pas songé sans un autre motif que voici : c’est qu’il voyait la sœur cadette obstinée à me garder ; cela pouvait signifier qu’elle avait du goût pour moi : ce goût pour moi aurait pu la dégoûter d’être dévote, et puis d’être soumise, et adieu l’autorité du directeur : et on aime à gouverner les gens. Il y a bien de la douceur à les voir obéissants et attachés, à être leur roi, pour ainsi dire, et un roi souvent d’autant plus chéri qu’il est inflexible et rigoureux.

Après cela, j’étais un gros garçon de bonne mine, et peut-être savait-il que Mlle Habert n’avait point d’antipathie pour les beaux garçons ; car enfin un directeur sait bien des choses ! Retournons à notre cuisine.

Vous avez été bien longtemps à venir, me dit Catherine qui m’y attendait en filant, et en faisant chauffer notre potage : de quoi parliez-vous donc tous si haut dans la chambre ? J’ai entendu quelqu’un qui criait comme un aigle. Eh ! tenez, écoutez le beau tintamarre qu’elles font encore ? Est-ce que nos demoiselles se querellent ?