Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/507

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me dit-elle donc, je pense qu’à présent tu vois bien de quoi il s’agit. Hélas ! lui dis-je, ma gracieuse parente, il me paraît que je vois quelque chose ; mais l’appréhension de m’abuser me rend la vue trouble, et les choses que je vois me confondent à cause de mon petit mérite. Est-ce qu’il se pourrait, Dieu me pardonne, que ma personne ne serait pas déplaisante à la vôtre ? Est-ce qu’un bonheur comme celui-là serait la part d’un pauvre garçon qui sort du village ? Car voilà ce qui m’en semble ; et si j’en étais bien certain, il faudrait donc mourir de joie.

Oui, Jacob, me répondit-elle alors, puisque tu m’entends, et que cela te fait tant de plaisir, réjouis-t’en en toute sûreté.

Doucement donc, lui dis-je ; car j’en pâmerai d’aise ! Il n’y a qu’une raison qui me chicane à tout ceci, ajoutai-je. Eh ! laquelle ? me dit-elle. C’est, lui repartis-je, que vous me direz : Tu n’as rien, ni revenu, ni profit d’amassé ; rien à louer, tout à acheter, rien à vendre ; point d’autre gîte que la maison du prochain, ou bien la rue ; pas seulement du pain pour attraper le bout du mois ; après cela, mon petit monsieur, n’êtes-vous pas bien fatigué de vous réjouir tant de ce que je vous aime ? Ne faudra-t-il pas encore vous remercier de la peine que vous prenez d’en être si ravi ? Voilà, ma précieuse cousine, ce qu’il vous est loisible de repartir au contentement que je témoigne de votre affection : mais Dieu le sait, ma parente, ce n’est point pour l’amour de toutes ces provisions-là que mon cœur se transporte.