Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/525

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Notre silence dura bien deux minutes. À la fin, le directeur le rompit ; et s’adressant à l’hôtesse :

Madame, lui dit-il, est-ce que les personnes en question ne sont pas ici ? (car il ne s’imagina pas que nous fussions les sujets de sa mission présente, c’est-à-dire ceux qu’il devait marier cinq ou six heures après). Hé, pardi, répondit-elle, les voilà toutes deux, Mlle Habert et M. de la Vallée.

À peine put-il le croire : et effectivement il était fort singulier que ce fût nous. C’était de ces nouvelles qu’on peut apprendre, et dont on ne se doute point.

Quoi ! dit-il après avoir, un instant ou deux, promené ses regards étonnés sur nous, vous nommez ce jeune homme monsieur de la Vallée, et c’est lui qui épouse cette nuit Mlle Habert ?

Lui-même, répondit l’hôtesse, je n’en sache d’autre, et apparemment que mademoiselle n’en épouse pas deux.

Ma future ni moi nous ne répondions rien ; je tenais mon chapeau à la main de l’air le plus dégagé qu’il m’était possible ; je souriais même en regardant le directeur pendant qu’il interrogeait notre hôtesse : mais je ne souriais que par contenance, et non pas tout de bon ; et je suis persuadé que ma façon dégagée n’empêchait pas que je n’eusse l’air assez sot. Il faudrait avoir un furieux fonds d’effronterie pour tenir bon contre de certaines choses, et je n’étais né que hardi, et point effronté.

À l’égard de ma future, sa contenance était d’avoir les yeux baissés, avec une mine qu’il serait assez difficile