Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/75

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seules, nous les avons sans le savoir. Il est vrai que j’étais affligée ; mais qu’importe ? Notre vanité n’entre point là-dedans, et n’en continue pas moins ses fonctions : elle est faite pour réparer d’un côté ce que nos afflictions détruisent de l’autre ; et enfin on ne veut pas tout perdre.

Me voici donc entrée dans le parloir. Je vis un homme d’environ cinquante ans tout au plus, de bonne mine, d’un air distingué, très bien mis, quoique simplement, et de la physionomie du monde la plus franche et la plus ouverte.

Quelque politesse naturelle qu’on ait, dès que nous voyons des gens dont la figure nous prévient, notre accueil a toujours quelque chose de plus obligeant pour eux que pour d’autres. Avec ces autres, nous ne sommes qu’honnêtes ; avec ceux-ci, nous le sommes jusqu’à être affables ; cela va si vite, qu’on ne s’en aperçoit pas ; et c’est ce qui m’arriva en saluant cet officier. Je n’eus pas affaire à un ingrat ; il n’aurait pu, à moins que de s’écrier, se montrer plus satisfait qu’il le parut de ma petite personne.

J’attendis qu’il me parlât. Mademoiselle, me dit-il après quelques révérences et en me présentant le billet de ma mère, voici ce que Mme de Miran m’a chargé de vous remettre ; il était question de vous envoyer quelqu’un, et j’ai demandé la préférence.

Vous m’avez fait bien de l’honneur, monsieur, lui répondis-je, en ouvrant le billet, que j’eus bientôt lu. Oui, monsieur, ajoutai-je ensuite, Mme de Miran