Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/85

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Neuvième partie

Il y a si longtemps, madame que vous attendez cette suite de ma vie, que j’entrerai d’abord en matière ; point de préambule, je vous l’épargne. Pas tout à fait, me direz-vous, puisque vous en faites un, même en disant que vous n’en ferez point. Eh bien ! je ne dis plus mot.

Vous vous souvenez, quoique ce soit du plus loin qu’il vous souvienne, que c’est la religieuse qui parle.

Vous croyez, ma chère Marianne, être née la personne du monde la plus malheureuse, et je voudrais bien vous ôter cette pensée, qui est encore un autre malheur qu’on se fait à soi-même ; non pas que vos infortunes n’aient été très grandes assurément ; mais il y en a de tant de sortes que vous ne connaissez pas, ma fille ! Du moins une partie de ce qui vous est arrivé s’est-il passé dans votre enfance ; quand vous étiez le plus à plaindre, vous ne le saviez pas ; vous n’avez jamais joui de ce que vous avez perdu, et l’on peut dire que vous avez plus appris vos pertes que vous ne les avez senties. J’ignore à qui je dois le jour, dites-vous ; je n’ai point de parents ; et les autres en ont. J’