Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/88

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que mon père, jeune homme de vingt-six à vingt-sept ans, la vit et se donna pour jamais à elle.

Il n’en fut pas rebuté ; elle se sentit à son tour beaucoup de penchant pour lui ; mais Mme de Tresle, qui était veuve, crut devoir s’opposer à cette inclination réciproque. Il y avait peu de bien dans sa maison ; ma mère était la dernière de cinq enfants, c’est-à-dire de deux garçons et de trois filles. Les deux premiers étaient au service, ses revenus suffisaient à peine pour les y soutenir ; et il n’y avait pas d’apparence qu’on permit à Tervire, qui était un assez riche héritier, d’épouser une cadette sans fortune, et qui, pour toute dot, n’avait presque qu’une égalité de condition à lui apporter en mariage.

M. de Tervire le père ne consentirait point à une pareille alliance ; il n’était pas raisonnable de l’espérer, ni de laisser continuer un amour inutile, et par conséquent indécent.

Voilà ce que Mme de Tresle disait à Tervire le fils ; mais il combattit avec tant de force les difficultés qu’elle alléguait, lui dit que son père l’aimait tant, qu’il était si sûr de le gagner ; il passait d’ailleurs pour un jeune homme si plein d’honneur, qu’à la fin elle se rendit, et souffrit que ces amants, qui ne demeuraient qu’à une lieue l’un de l’autre, se vissent.

Six semaines après, Tervire parla à son père, le supplia d’agréer un mariage dont dépendait tout le bonheur de sa vie.

Son père, qui avait d’autres vues, qui aimait tendrement ce fils, et qui, sans lui en rien dire, lui avait