Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/89

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trouvé depuis quelques jours un très bon parti, se moqua de sa prière, traita sa passion d’amourette frivole, de fantaisie de jeunesse, et voulut sur-le-champ l’emmener chez celle qu’il lui avait destinée.

Son fils, qui croyait que cette démarche aurait été une espèce d’engagement, n’eut garde de s’y prêter. Son père ne parut point offensé de son refus. C’était un de ces hommes froids et tranquilles, mais qui ont l’esprit entier.

Je ne vous forcerai jamais à aucun mariage, mais je ne vous permettrai point celui dont vous me parlez, lui dit-il ; vous n’avez point assez de bien pour vous charger d’une femme qui n’en a point ; et si, malgré ce que je vous dis là, Mlle de Tresle devient la vôtre, je vous avertis que vous vous en repentirez.

Ce fut là tout ce qu’il put tirer de son père, qui dans la suite ne lui en dit pas davantage, et qui continua de vivre avec lui comme à l’ordinaire.

Mme de Tresle, à qui il ne rendit cette réponse que le plus tard qu’il put, défendit à sa fille de revoir Tervire, et se préparait à la renvoyer dans son couvent, quand cet amant, désespéré de songer qu’il ne la verrait plus, proposa de l’épouser en secret, et de ne déclarer son mariage qu’après la mort de son père, ou qu’après l’avoir disposé lui-même à ne s’y opposer plus. Mme de Tresle s’offensa de la proposition, et n’y vit qu’une raison de plus d’éloigner sa fille.

Dans cette occurrence, ses deux fils revinrent de l’armée ; ils apprirent ce qui se passait ; ils connaissaient Tervire, ils l’estimaient ; ils aimaient leur sœur,