Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/91

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froideur dont je vous parle il menaçait mon père d’un ressentiment qui n’eut que trop de suites, ma mère n’attendait que l’instant de me mettre au monde, et vous voyez à présent, Marianne, pourquoi j’ai fait remonter mon histoire jusqu’à la leur ; c’était pour vous montrer que mes malheurs se préparaient avant que je visse le jour, et qu’ils ont, pour ainsi dire, devancé ma naissance.

Il n’y avait que quatre mois que ceci s’était passé, et je n’en avais encore que trois et demi, quand M. de Tervire le père, dont la santé depuis quelque temps était considérablement altérée, et qui sortait rarement de chez lui, voulut, pour dissiper une langueur qu’il sentait, aller dîner chez un gentilhomme de ses amis qui l’avait invité, et qui ne demeurait qu’à deux lieues de son château.

Il était à cheval, suivi de deux valets ; à peine avait-il fait une lieue, qu’un étourdissement qui lui prit, et auquel il était sujet, l’obligea de mettre pied à terre, et de s’arrêter un instant près de la maison d’un paysan, dont la femme était ma nourrice.

M. de Tervire, qui connaissait cet homme, et qui entra chez lui pour s’asseoir, vit qu’il tâchait de faire avaler un peu de lait à un enfant qui paraissait fort faible, qui avait air pâle et comme mourant. Cet enfant, c’était moi.

Ce que vous lui donnez là ne lui vaut rien, dit M. de Tervire surpris de son action ; dans l’état de faiblesse où il est, c’est de sa nourrice dont il a besoin ; est-ce qu’elle n’y est pas ? Vous m’excuserez, lui dit le