Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/94

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de Tresle veut bien venir souper avec moi, elle me fera plaisir. Il me tarde d’être déjà de retour pour changer des dispositions qui ne vous étaient pas favorables. Adieu, je reviendrai de bonne heure ; rejoignez votre fille, et prenez-en soin.

Mon père qui était toujours resté à ses genoux, et à qui son attendrissement et sa joie ôtaient la force de parler, ne put encore le remercier ici qu’en baignant de ses larmes une main qu’il lui avait tendue, et qu’en élevant les siennes quand il le vit s’éloigner.

Il revint à moi, qu’on avait mise entre les mains de la nourrice qu’il avait amenée, nous conduisit toutes deux au château où la jardinière qui allait partir me prit, nous quitta ensuite pour informer sa femme et sa belle-mère d’un événement si consolant, les amena toutes deux chez son père, au-devant de qui son impatience le fit aller sur la fin du jour, et à la place duquel il ne trouva qu’un valet qu’on lui dépêchait pour le faire venir, et pour l’avertir que M. de Tervire était subitement tombé dans une si grande défaillance qu’il ne parlait plus, et où enfin il expira avant que son fils fût arrivé. Quel coup de foudre pour mon père et pour ma mère ! et quelle différence de sort pour moi !

Il avait fait un testament qu’on trouva parmi ses papiers, et dans lequel il laissait tout le bien à son second fils, et réduisait mon père à une simple légitime. Voilà ce que c’était que ces dispositions qu’il avait eu dessein de changer, et au moyen desquelles mon père se vit à peine de quoi vivre.