Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/30

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ce charme à part, cette gentillesse qui répand dans les mouvements, dans le geste même, dans les traits, plus d’âme et plus de vie qu’il n’en ont d’ordinaire. M. de Tervire est un de ces hommes qui ne sont ni bons ni méchants, une de ces petites âmes qui ne font jamais d’autre justice que celle que les lois vous accordent ; ces gens-là se font un devoir de ne vous rien laisser, quand ils ont le droit de vous dépouiller de tout : s’ils vous voient faire une action généreuse, il la regardent comme une étourderie ; et ils vous diraient volontiers : J’aime mieux que vous la fassiez que moi. M. de Fécourt est un assez grand homme de peu d’embonpoint, très brun de visage, d’un sérieux non pas à glace, car ce sérieux-là est naturel et vient du caractère de l’esprit. En général, Marivaux se tire mieux des portraits de femmes que des portrait d’hommes. Il est plus à l’aise quand il s’agit de ces gracieuses peintures. Il y met aussi plus de complaisance et de délicatesse : soit qu’il vous représente cet abbesse âgée, d’une grande naissance, qui a été belle autrefois, un de ces visages qui ont l’air plus ancien que vieux, quelque chose de simple, mais de très net et de très arrangé, qui rejaillit sur l’âme et qui est comme une image de la pureté, de la paix et de la sagesse des pensées ; soit qu’il vous représente la mère Saint-Ange, petite personne ronde, courte et blanche à double menton, au teint frais et reposé, « une de ces mines que l’on ne rencontre pas dans le monde, ujn embonpoint qui s’est formé plus à l’aise et plus méthodiquement, où il entre plus d’art, de façon, plus d’amour de soi-même que dans le nôtre, » c’est toujours la même variété, la même délicatesse, la même bonne grâce, le même mélange d’ironie, de bienveillance et