Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/106

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Arlequin.

Que ferai-je donc, moi ?

Lélio.

Tu me suivras.

Arlequin.

Mais je n’ai rien à prouver à Colombine.

Lélio.

Bon, ta Colombine ! il s’agit bien de Colombine ! Veux-tu encore aimer ? Dis ? Ne te souvient-il plus de ce que c’est qu’une femme ?

Arlequin.

Je n’ai non plus de mémoire qu’un lièvre, quand je vois cette fille-là.

Lélio, avec distraction.

Il faut avouer que les bizarreries de l’esprit d’une femme sont des pièges bien finement dressés contre nous !

Arlequin.

Dites-moi, monsieur, j’ai fait un gros serment de n’être plus amoureux ; mais si Colombine m’ensorcelle, je n’ai pas mis cet article dans mon marché : mon serment ne vaudra rien, n’est-ce pas ?

Lélio.

Nous verrons. Ce qui m’arrive avec la comtesse ne suffirait-il pas pour jeter des étincelles de passion dans le cœur d’un autre ? Oh ! sans l’inimitié que j’ai vouée à l’amour, j’extravaguerais actuellement, peut-être. Je sens bien qu’il ne m’en faudrait pas davantage ; je serais piqué ; j’aimerais ; cela irait tout de suite.

Arlequin.

J’ai toujours entendu dire : « Il a du cœur