Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/110

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Arlequin.

Et je remarque que vous l’aimerez aussi.

Lélio.

Moi, l’aimer ! moi, l’aimer ! Tiens, tu me feras plaisir de savoir adroitement de Colombine les dispositions où elle se trouve, car je veux savoir à quoi m’en tenir ; et si, contre toute apparence, il se trouvait dans son cœur une ombre de penchant pour moi, vite à cheval ; je pars.

Arlequin.

Bon ! et vous partez demain pour Paris.

Lélio.

Qu’est-ce qui t’a dit cela ?

Arlequin.

Vous il n’y a qu’un moment ; mais c’est que la mémoire vous manque, comme à moi. Voulez-vous que je vous dise ? il est bien aisé de voir que le cœur vous démange ; vous parlez tout seul ; vous faites des discours qui ont dix lieues de long ; vous voulez aller en Turquie ; vous mettez vos bottes, vous les ôtez ; vous partez, vous restez ; et puis du noir, et puis du blanc. Pardi ! quand on ne sait ni ce qu’on dit ni ce qu’on fait, ce n’est pas pour des prunes. Et moi, que ferai-je après ? Quand je vois mon maître qui perd l’esprit, le mien s’en va de compagnie.

Lélio.

Je te dis qu’il ne me reste plus qu’une simple curiosité, c’est de savoir s’il ne se passerait pas quelque chose dans le cœur de la comtesse, et je donnerais tout à l’heure cent écus pour avoir soupçonné juste. Tâchons de le savoir.