Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/154

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Trivelin.

Oh ! parbleu ! je n’en sais pas davantage ; voilà tout l’esprit que j’ai.

Silvia.

Sur ce pied-là, vous seriez tout aussi avancé de n’en point avoir du tout.

Trivelin.

Mais encore, daignez, s’il vous plaît, me dire en quoi je me trompe.

Silvia.

Oui, je vais vous le dire, en quoi ; oui…

Trivelin.

Eh ! doucement, madame : mon dessein n’est pas de vous fâcher.

Silvia.

Vous êtes donc bien maladroit !

Trivelin.

Je suis votre serviteur.

Silvia.

Eh bien ! mon serviteur, qui me vantez tant les honneurs que j’ai ici, qu’ai-je à faire de ces quatre ou cinq fainéantes qui m’espionnent toujours ? On m’ôte mon amant, et on me rend des femmes à la place ; ne voilà-t-il pas un beau dédommagement ? Et on veut que je sois heureuse avec cela ? Que m’importe toute cette musique, ces concerts et cette danse dont on croit me régaler ? Arlequin chantait mieux que tout cela, et j’aime mieux danser moi-même que de voir danser les autres, entendez-vous ? Une bourgeoise contente dans un petit village, vaut mieux qu’une princesse qui pleure dans un bel appartement. Si le Prince est si tendre, ce n’est pas ma faute ; je n’ai pas