Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/170

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Arlequin.

Ils porteraient des sabots. Mais je commence à m’ennuyer de tous vos contes ; vous m’avez promis de me montrer Silvia ; et un honnête homme n’a que sa parole.

Trivelin.

Un moment ; vous ne vous souciez ni d’honneurs, ni de richesses, ni de belles maisons, ni de magnificence, ni de crédit, ni d’équipages…

Arlequin.

Il n’y a pas là pour un sol de bonne marchandise.

Trivelin.

La bonne chère vous tenterait-elle ? Une cave remplie de vins exquis vous plairait-elle ? Seriez-vous bien aise d’avoir un cuisinier qui vous apprêtât délicatement à manger, et en abondance ? Imaginez-vous ce qu’il y a de meilleur, de plus friand en viande et en poisson ; vous l’aurez, et pour toute votre vie… Vous ne répondez rien ?

Arlequin.

Ce que vous dites là serait plus de mon goût que tout le reste ; car je suis gourmand, je l’avoue ; mais j’ai encore plus d’amour que de gourmandise.

Trivelin.

Allons, seigneur Arlequin, faites-vous un sort heureux ; il ne s’agira seulement que de quitter une fille pour en prendre une autre.

Arlequin.

Non, non ; je m’en tiens au bœuf et au vin de mon cru.

Trivelin.

Que vous auriez bu de bon vin ! Que vous auriez mangé de bons morceaux !