Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/173

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Arlequin.

Et quand il serait aimable, cela empêche-t-il que je ne le sois aussi, moi ?

Lisette.

Non, mais enfin c’est un prince.

Arlequin.

Qu’importe ? en fait de fille, ce prince n’est pas plus avancé que moi.

Lisette.

À la bonne heure. J’entends seulement qu’il a des sujets et des États, et que, tout aimable que vous êtes, vous n’en avez point.

Arlequin.

Vous me la baillez belle avec vos sujets et vos États ! Si je n’ai point de sujets, je n’ai charge de personne ; et si tout va bien, je m’en réjouis ; si tout va mal, ce n’est pas ma faute. Pour des États, qu’on en ait ou qu’on n’en ait point, on n’en tient pas plus de place, et cela ne rend ni plus beau, ni plus laid. Ainsi, de toutes façons, vous étiez surprise à propos de rien.

Lisette, à part.

Voilà un vilain petit homme ; je lui fais des compliments, et il me querelle !

Arlequin.

Hein ?

Lisette.

J’ai du malheur de ce que je vous dis ; et j’avoue qu’à vous voir seulement, je me serais promis une conversation plus douce.

Arlequin.

Dame ! mademoiselle, il n’y a rien de si trompeur que la mine des gens.