Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/181

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à les congédier. Voilà une drôle de façon d’honorer un honnête homme, que de mettre une troupe de coquins après lui ; c’est se moquer du monde. (Il se retourne et voit Trivelin qui revient.) Mon ami, est-ce que je ne me suis pas bien expliqué ?

Trivelin, de loin.

Écoutez, vous m’avez battu ; mais je vous le pardonne. Je vous crois un garçon raisonnable.

Arlequin.

Vous le voyez bien.

Trivelin, de loin.

Quand je vous dis que nous ne méritons pas d’avoir des gens à notre suite, ce n’est pas que nous manquions d’honneur ; c’est qu’il n’y a que les personnes considérables, les seigneurs, les gens riches, qu’on honore de cette manière-là. S’il suffisait d’être honnête homme, moi qui vous parle, j’aurais après moi une armée de valets.

Arlequin.

Oh ! à présent je vous comprends. Que diantre ! que ne dites-vous la chose comme il faut ? Je n’aurais pas les bras démis, et vos épaules s’en porteraient mieux.

Trivelin.

Vous m’avez fait mal.

Arlequin.

Je le crois bien, c’était mon intention. Par bonheur ce n’est qu’un malentendu, et vous devez être bien aise d’avoir reçu innocemment les coups de bâton que je vous ai donnés. Je vois bien à présent que c’est qu’on fait ici tout l’honneur aux gens considérables, riches ; et à celui qui n’est qu’honnête homme, rien.