Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/201

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point, m’a mené par toutes les chambres de la maison, où l’on trotte comme dans les rues, où l’on jase comme dans notre halle, sans que le maître de la maison s’embarrasse de tous ces visages-là qui ne daignent pas lui donner le bonjour, qui vont le voir manger sans qu’il leur dise : « Voulez-vous boire un coup ? » Je me divertissais de ces originaux-là en revenant, quand j’ai vu un grand coquin qui a levé l’habit d’une dame par derrière. Moi, j’ai cru qu’il lui faisait quelque niche, et je lui ai dit bonnement : « Arrêtez-vous, polisson ; vous badinez malhonnêtement. » Elle, qui m’a entendu, s’est retournée et m’a dit : « Ne voyez-vous pas bien qu’il me porte la queue ? — Et pourquoi vous la laissez-vous porter, cette queue ? » ai-je repris. Sur cela le polisson s’est mis à rire ; la dame riait, Trivelin riait, tout le monde riait ; par compagnie je me suis mis à rire aussi. À cette heure je vous demande pourquoi nous avons ri tous ?

Flaminia.

D’une bagatelle. C’est que vous ne savez pas que ce que vous avez vu faire à ce laquais est un usage parmi les dames.

Arlequin.

C’est donc encore un honneur ?

Flaminia.

Oui, vraiment.

Arlequin.

Pardi ! j’ai donc bien fait d’en rire ; car cet honneur-là est bouffon et à bon marché.

Flaminia.

Vous êtes gai ; j’aime à vous voir comme cela. Avez-vous bien mangé depuis que je vous ai quitté ?