Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/212

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prit ; eh bien, à cause de cela, faut-il s’en fier à notre air ? N’avez-vous rien dit que cela ?

Le Seigneur.

Non ; j’ai ajouté seulement que vous donniez la comédie à ceux qui vous parlaient.

Arlequin.

Pardi ! il faut bien vous donner votre revanche à vous autres. Voilà donc tout ?

Le Seigneur.

Oui.

Arlequin.

C’est se moquer ; vous ne méritez pas d’être exilé, vous avez cette bonne fortune-là pour rien.

Le Seigneur.

N’importe ; empêchez que je ne le sois. Un homme comme moi ne peut demeurer qu’à la cour. Il n’est en considération, il n’est en état de pouvoir se venger de ses envieux qu’autant qu’il se rend agréable au Prince, et qu’il cultive l’amitié de ceux qui gouvernent les affaires.

Arlequin.

J’aimerais mieux cultiver un bon champ, cela rapporte toujours peu ou prou, et je me doute que l’amitié de ces gens-là n’est pas aisée à avoir ni à garder.

Le Seigneur.

Vous avez raison dans le fond : ils ont quelquefois des caprices fâcheux, mais on n’oserait s’en ressentir, on les ménage, on est souple avec eux, parce que c’est par leur moyen que vous vous vengez des autres.

Arlequin.

Quel trafic ! C’est justement recevoir des coups de