Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/266

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Lisette.

Madame, la toilette s’en va, je vous en avertis.

La Marquise.

Mais, Lisette, je suis donc bien épouvantable ?

Lisette.

Extrêmement changée.

La Marquise.

Voyons donc, car il faut bien que je me débarrasse de toi.

Lisette.

Ah ! je respire, vous voilà sauvée : allons, courage, madame.

(On rapporte le miroir.)
La Marquise.

Donne le miroir ; tu as raison, je suis bien abattue.

Lisette, lui donnant le miroir.

Ne serait-ce pas un meurtre que de laisser dépérir ce teint-là, qui n’est que lis et que rose quand on en a soin ? Rangez-moi ces cheveux qui sont épars, et qui vous cachent les yeux : ah ! les fripons, comme ils ont encore l’œillade assassine ; ils m’auraient déjà brûlée si j’étais de leur compétence ; ils ne demandent qu’à faire du mal.

La Marquise, rendant le miroir.

Tu rêves ; on ne peut pas les avoir plus battus.

Lisette.

Oui, battus. Ce sont de bons hypocrites : que l’ennemi vienne, il verra beau jeu. Mais voici, je pense, un domestique de monsieur le Chevalier. C’est ce valet de campagne si naïf, qui vous a tant diverti il y a quelques jours.

La Marquise.

Que me veut son maître ? Je ne vois personne.