Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Marquise.

Ah ! je demeurerai neutre, si la querelle continue ; car je m’imagine que vous ne voudrez pas la recommencer : nos occupations vous ennuient, n’est-il pas vrai ?

Le Chevalier.

Il faut être plus tranquille que je ne suis, pour réussir à s’amuser.

La Marquise.

Ne vous gênez point, chevalier, vivons sans façon ; vous voulez peut-être être seul : adieu, je vous laisse.

Le Chevalier.

Il n’y a plus de situation qui ne me soit à charge.

La Marquise.

Je voudrais de tout mon cœur pouvoir vous calmer l’esprit.

(Elle part lentement.)

Le Chevalier, pendant qu’elle marche.

Ah ! je m’attendais à plus de repos quand j’ai rompu mon voyage ; je ne ferai plus de projets, je vois bien que je rebute le monde.

La Marquise, s’arrêtant au milieu du théâtre.

Ce que je lui entends dire là me touche ; il ne serait pas généreux de le quitter dans cet état-là. (Elle revient.) Non, chevalier, vous ne me rebutez point ; ne cédez point à votre douleur : tantôt vous partagiez mes chagrins, vous étiez sensible à la part que je prenais aux vôtres, pourquoi n’êtes-vous plus de même ? C’est cela qui me rebuterait, par exemple, car la véritable amitié veut qu’on fasse quelque chose pour elle, elle veut consoler.