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Lisette.

Un mari, c’est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là ; il me raccommode avec tout le reste.



Scène II

MONSIEUR ORGON, SILVIA, LISETTE.
Monsieur Orgon.

Eh ! bonjour, ma fille ; la nouvelle que je viens d’annoncer te fera-t-elle plaisir ? Ton prétendu est arrivé aujourd’hui ; son père me l’apprend par cette lettre-ci. Tu ne me réponds rien ; tu me parais triste. Lisette de son côté baisse les yeux ; qu’est-ce que cela signifie ? Parle donc toi ; de quoi s’agit-il ?

Lisette.

Monsieur, un visage qui fait trembler, un autre qui fait mourir de froid, une âme gelée qui se tient à l’écart, et puis le portrait d’une femme qui a le visage abattu, un teint plombé, des yeux bouffis, et qui viennent de pleurer ; voilà, monsieur, tout ce que nous considérons avec tant de recueillement.

Monsieur Orgon.

Que veut dire ce galimatias ? Une âme ! un portrait ! Explique-toi donc ; Je n’y entends rien.

Silvia.

C’est que j’entretenais Lisette du malheur d’une femme maltraitée par son mari ; je lui citais celle de Tersandre, que je trouvai l’autre jour fort abattue, parce que son mari venait de la quereller, et je faisais là-dessus mes réflexions.