Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/372

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Silvia, à part.

Mais, en vérité, voilà un garçon qui me surprend, malgré que j’en aie… (Haut.) Dis-moi, qui es-tu, toi qui me parles ainsi ?

Dorante.

Le fils d’honnêtes gens qui n’étaient pas riches.

Silvia.

Va, je te souhaite de bon cœur une meilleure situation que la tienne, et je voudrais contribuer ; la fortune a tort avec toi.

Dorante.

Ma foi, l’amour a plus de tort qu’elle ; j’aimerais mieux qu’il me fût permis de te demander ton cœur, que d’avoir tous les biens du monde.

Silvia, à part.

Nous voilà, grâce au ciel, en conversation réglée. (Haut.) Bourguignon, je ne saurais me fâcher des discours que tu me tiens ; mais, je t’en prie, changeons d’entretien. Venons à ton maître. Tu peux te passer de me parler d’amour, je pense ?

Dorante.

Tu pourrais bien te passer de m’en faire sentir, toi.

Silvia.

Ah ! je me fâcherai ; tu m’impatientes. Encore une fois, laisse là ton amour.

Dorante.

Quitte donc ta figure.

Silvia, à part.

À la fin, je crois qu’il m’amuse… (Haut.) Eh bien, Bourguignon, tu ne veux donc pas finir ? Faudra-t-il que je te quitte ? (À part.) Je devrais déjà l’avoir fait.