Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/414

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Mario.

Du goût pour lui ! où prenez-vous vos termes ? Vous avez le langage bien précieux pour un garçon de votre espèce.

Dorante.

Monsieur, je ne saurais parler autrement.

Mario.

C’est apparemment avec ces petites délicatesses-là que vous attaquez Lisette ? Cela imite l’homme de condition.

Dorante.

Je vous assure, monsieur, que je n’imite personne ; mais, sans doute, vous ne venez pas exprès pour me traiter de ridicule et vous aviez autre chose à me dire ? Nous parlions de Lisette, de mon inclination pour elle et de l’intérêt que vous y prenez.

Mario.

Comment, morbleu ! il y a déjà un ton de jalousie dans ce que tu me réponds ! Modère-toi un peu. Eh bien ! tu me disais qu’en supposant que Lisette eût du goût pour toi… après ?

Dorante.

Pourquoi faudrait-il que vous le sussiez, monsieur ?

Mario.

Ah ! le voici : c’est que, malgré le ton badin que j’ai pris tantôt, je serais très fâché qu’elle t’aimât ; c’est que, sans autre raisonnement, je te défends de t’adresser davantage à elle ; non pas dans le fond que je craigne qu’elle t’aime, elle me paraît avoir le cœur trop haut pour cela ; mais c’est qu’il me déplaît à moi d’avoir Bourguignon pour rival.