Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/45

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Arlequin.

C’est que je n’aime à voir mourir personne.

La Fée.

Tu me verras mourir, si tu ne m’aimes.

Arlequin.

Ne soyez donc pas en colère contre nous.

La Fée, s’attendrissant.

Ah ! mon cher Arlequin, regarde-moi ; repens-toi de m’avoir désespérée : j’oublierai de quelle part t’est venu ton esprit ; mais puisque tu en as, qu’il te serve à connaître les avantages que je t’offre.

Arlequin.

Tenez, dans le fond, je vois bien que j’ai tort ; vous êtes belle et brave cent fois plus que l’autre. J’enrage.

La Fée.

Et de quoi ?

Arlequin.

C’est que j’ai laissé prendre mon cœur par cette petite friponne, qui est plus laide que vous.

La Fée, soupirant en secret.

Arlequin, voudrais-tu aimer une personne qui te trompe, qui a voulu badiner avec toi, et qui ne t’aime pas ?

Arlequin.

Oh ! pour cela, si fait ; elle m’aime à la folie.

La Fée.

Elle t’abusait ; je le sais bien, puisqu’elle doit épouser un berger du village qui est son amant. Si tu veux, je m’en vais l’envoyer chercher, et elle te le dira elle-même.