Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/453

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Madame Argante.

Et qu’y avez-vous donc, mademoiselle ?

Angélique.

Rien du tout.

Madame Argante.

Rien ! qu’est-ce que rien ? Ce mariage ne vous plaît donc pas ?

Angélique.

Non.

Madame Argante.

Comment ! il vous déplaît ?

Angélique.

Non, ma mère.

Madame Argante.

Eh ! parlez donc ; car je commence à vous entendre ; c’est-à-dire, ma fille, que vous n’avez point de volonté.

Angélique.

J’en aurai pourtant une, si vous le voulez.

Madame Argante.

Il n’est pas nécessaire ; vous faites encore mieux d’être comme vous êtes, de vous laisser conduire, et de vous en fier entièrement à moi. Oui, vous avez raison, ma fille ; et ces dispositions d’indifférence sont les meilleures. Aussi voyez-vous que vous en êtes récompensée. Je ne vous donne pas un jeune extravagant qui vous négligerait peut-être au bout de quinze jours, qui dissiperait son bien et le vôtre pour courir après mille passions libertines. Je vous marie à un homme sage, à un homme dont le cœur est sûr, et qui saura tout le prix de la vertueuse innocence du vôtre.

Angélique.

Pour innocente, je le suis.