Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/524

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Arlequin.

Mais, monsieur, ce chapitre-là ne vous regarde pas ; c’est de l’amour que j’ai pour elle, et vous n’avez que faire de l’amour ; vous n’en voulez point.

Dorante.

Non ; mais je te défends d’en parler jamais à Lisette. Je veux même que tu l’évites ; je veux que tu la quittes, que tu rompes avec elle.

Arlequin.

Pardi ! monsieur, vous avez là des volontés qui ne ressemblent guère aux miennes. Pourquoi ne nous accordons-nous pas aujourd’hui comme hier ?

Dorante.

C’est que les choses ont changé ; c’est que la comtesse pourrait me soupçonner d’être curieux de ses démarches, et de me servir de toi auprès de Lisette pour les savoir. Ainsi, laisse-la en repos ; je te récompenserai du sacrifice que tu me feras.

Arlequin.

Monsieur, le sacrifice me tuera, avant que les récompenses viennent.

Dorante.

Oh ! point de réplique. Marton, qui est à la marquise, vaut bien ta Lisette ; on te la donnera.

Arlequin.

Quand on me donnerait la marquise par-dessus le marché, on me volerait encore.

Dorante.

Il faut opter pourtant. Lequel aimes-tu mieux, de ton congé, ou de Marton ?

Arlequin.

Je ne saurais le dire ; je ne connais ni l’un ni l’autre.