que j’ai cru le perdre ? Ai-je imaginé qu’il m’abandonnerait ? L’ai-je soupçonné de cette lâcheté ? A-t-on jamais compté sur un cœur autant que j’ai compté sur le sien ? Estime infinie, confiance aveugle ; et tu dis que j’ai tort ! Et tout homme qu’on honore de ces sentiments-là, n’est pas un perfide quand il les trompe ? Car je les avais, Lisette.
Je n’y comprends rien.
Oui ; je les avais ; je ne m’embarrassais ni de ses plaintes ni de ses jalousies ; je riais de ses reproches, je défiais son cœur de me manquer jamais. Je me plaisais à l’inquiéter impunément ; c’était là mon idée ; je ne le ménageais point. Jamais on ne vécut dans une sécurité plus obligeante ; je m’en applaudissais, elle faisait son éloge. Et cet homme, après cela, me laisse ! Est-il excusable ?
Calmez-vous donc, madame ; vous êtes dans une désolation qui m’afflige. Travaillons à le ramener, et ne crions point inutilement contre lui. Commencez par rompre avec le chevalier. Voilà déjà deux fois qu’il se présente pour vous voir, et que je le renvoie.
J’avais pourtant dit à cet importun-là de ne point venir, que je ne le fisse avertir.
Qu’en voulez-vous faire ?
Oh ! le haïr autant qu’il est haïssable ; c’est à quoi je le destine, je t’assure. Mais il faut pourtant que je le voie, Lisette ; j’ai besoin de lui dans tout ceci. Laisse-le venir ; va même le chercher.