Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/82

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La Comtesse.

N’allons point si vite. Votre maîtresse cessa-t-elle de vous aimer pour en aimer un autre ?

Lélio.

En doutez-vous, madame ? La simple infidélité serait insipide et ne tenterait pas une femme sans l’assaisonnement de la perfidie.

La Comtesse.

Quoi ! vous eûtes un successeur ? Elle en aima un autre ?

Lélio.

Oui, madame. Comment ! cela vous étonne ? Voilà pourtant les femmes, et ces actions doivent vous mettre en pays de connaissance.

Colombine.

Le petit blasphémateur !

La Comtesse.

Oui, votre maîtresse est une indigne, et l’on ne saurait trop la mépriser.

Colombine.

D’accord, qu’il la méprise ; il n’y a pas à tortiller, c’est une coquine celle-là.

La Comtesse.

J’ai cru d’abord, moi, qu’elle n’avait fait que se dégoûter de vous et de l’amour, et je lui pardonnais en faveur de cela la sottise qu’elle avait eue de vous aimer. Quand je dis vous, je parle des hommes en général.

Colombine.

Prenez, prenez toujours cela en attendant mieux.

Lélio.

Comment, madame ! ce n’est donc rien, à votre compte, que de cesser sans raison d’avoir de la tendresse pour un homme ?