Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/88

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femmes, en expiation du crime qu’il a fait quand il en a vu. Oh ! je ne sache point d’aventure qui aille de pair avec la vôtre.

Lélio, riant.

Ah ! ah ! je te pardonne toutes tes injures en faveur de ces coquettes qui fourmillent sur la terre, et qui sont aussi anciennes que le monde.

La Comtesse, riant.

Pour moi, je me sais bon gré que la nature m’ait manquée, et je me passerai bien de la façon qu’elle aurait pu me donner de plus ; c’est autant de sauvé, c’est un ridicule de moins.

Le Baron, sérieusement.

Madame, n’appelez point cette faiblesse-là ridicule ; ménageons les termes. Il peut venir un jour où vous serez bien aise de lui trouver une épithète plus honnête.

La Comtesse.

Oui, si l’esprit me tourne.

Le Baron.

Eh bien ! il vous tournera ; c’est si peu de chose que l’esprit ! Après tout, il n’est pas encore sûr que la nature vous ait absolument manquée. Hélas ! peut-être jouez-vous de votre reste aujourd’hui. Combien voyons-nous de choses qui sont d’abord merveilleuses, et qui finissent par faire rire ! Je suis un homme à pronostic ; voulez-vous que je vous dise ? tenez, je crois que votre merveilleux est à fin de terme.

Lélio.

Cela se peut bien, madame, cela se peut bien ; les fous sont quelquefois inspirés.

La Comtesse.

Vous vous trompez, monsieur, vous vous trompez.