Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/89

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Le Baron, à Lélio.

Mais, toi qui raisonnes, as-tu lu l’histoire romaine ?

Lélio.

Oui ; qu’en veux-tu faire de ton histoire romaine ?

Le Baron.

Te souviens-tu qu’un ambassadeur romain enferma Antiochus dans un cercle qu’il traça autour de lui, et lui déclara la guerre s’il en sortait avant qu’il eût répondu à sa demande ?

Lélio.

Oui, je m’en ressouviens.

Le Baron.

Tiens, mon enfant, moi indigne, je te fais un cercle à l’imitation de ce Romain ; et, sous peine des vengeances de l’Amour, qui vaut bien la république de Rome, je t’ordonne de n’en sortir que soupirant pour les beautés de madame ; voyons si tu oseras broncher.

Lélio, passant le cercle.

Tiens, je suis hors du cercle ; voilà ma réponse ; va-t’en la porter à ton benêt d’Amour.

La Comtesse.

Monsieur le baron, je vous prie, badinez tant qu’il vous plaira, mais ne me mettez point en jeu.

Le Baron.

Je ne badine point, madame ; je vous le cautionne garrotté à votre char ; il vous aime de ce moment-ci, il a obéi. La peste ! vous ne le verriez pas hors du cercle ; il avait plus de peur qu’Antiochus.

Lélio, riant.

Madame, vous pouvez me donner des rivaux