Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on les soupçonne ? Est-ce qu’il faut absolument qu’on les aime ? Est-ce que j’ai une de ces physionomies-là, moi ? Est-ce qu’on ne saurait s’empêcher de m’aimer quand on me voit ? Vous vous trompez, monsieur, il en faut tout rabattre ; j’ai mille preuves du contraire, et je ne suis point de ce sentiment-là. Tenez, j’en suis aussi peu que vous, qui vous divertissez à faire semblant d’en être, et vous voyez ce que deviennent ces sortes de compliments quand on les presse.

Damis.

Il vous est fort aisé de les réduire à rien, parce que je vous laisse dire, et que, moyennant cela, vous en faites ce qui vous plaît ; mais je me tais, madame, je me tais.

Lucile.

Je me tais, madame, je me tais. Ne dirait-on pas que vous y entendez finesse, avec votre sérieux ? Qu’est-ce que c’est que ces discours-là, que j’ai la sotte bonté de relever, et qui nous écartent ? Est-ce que vous avez envie de vous dédire ?

Damis.

Ne vous ai-je pas dit, madame, qu’il pourrait, dans la conversation, m’échapper des choses qui ne devaient point vous alarmer ? Soyez donc tranquille ; vous avez ma parole, je la tiendrai.

Lucile.

Vous y êtes aussi intéressé que moi.

Damis.

C’est une autre affaire.

Lucile.

Je crois que c’est la même.