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Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/104

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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

réussite vous a causé tant d’émoi ? Rappelez-vous, monsieur, cet odieux massacre de Lachine dont vous fûtes les instigateurs. Comment appeler l’acte de gens qui, semblant craindre de faire la guerre à leurs propres frais et périls, soudoient ces cruels enfants des bois qui méconnaissent tout droit des gens, et se réjouissent ensuite à huis-clos des cruautés auxquelles ils paraissent étrangers mais dont ils sont pourtant bien les auteurs ?

« La destruction de Corlar n’a été qu’une légitime représaille de cette œuvre ténébreuse et sanglante de Lachine, à tout jamais marquée du sceau de l’Angleterre. La postérité, j’en suis sûr, comprendra la dure nécessité du sang versé par nous dans la Nouvelle-Angleterre, mais elle flétrira, de toute son indignation la lâcheté des fauteurs du massacre de Lachine.

« Quant à accepter les conditions par trop humiliantes que nous offre si peu courtoisement Sir William Phips, quant à nous rendre, en un mot, croyez-vous que si j’inclinais à le faire, tant de braves gens ne s’y opposeraient pas ?

« Vous avez ouï les murmures d’indignation que votre arrogante sommation a soulevée autour de moi ; eh bien ! sachez que ces sentiments sont communs à tous nos gentilshommes ainsi qu’au dernier de nos paysans.

« Enfin, quand même les conditions que vous nous offrez seraient plus douces et courtoises, croiriez-vous par hazard que nous voudrions nous y fier ? Pensez-vous, monsieur que la parole d’un homme qui n’a pas rougi de violer la capitulation de Port-Royal, soit de bon aloi sur le sol canadien ?