Aller au contenu

Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

terminer un rapport par écrit, auquel je travaillais quand tu es arrivé, et que le major Provost m’a chargé de faire, touchant l’effectif et l’équipement de notre compagnie. Comme je le lui dois livrer demain matin, tu voudras bien m’excuser, n’est-ce pas ?

— Fais, fais, mon cher, la discipline avant tout.

— D’ailleurs, reprit Louis, j’aurai fini bientôt, et je crois que ma sœur te tiendra bonne compagnie durant mon absence.

Il sortit en riant, et s’en alla dans sa chambre d’où l’on entendit aussitôt le bruit d’une plume qui courait rapidement sur le papier.

Durant la conversation précédente, Marie-Louise, assise à l’écart, n’avait rien dit ; et, hormis quelques furtifs coups d’œil jetés de temps à autre sur son fiancé, on aurait pensé que son esprit et son cœur étaient bien loin de lui, tant elle paraissait mélancolique et préoccupée.

— Mon Dieu ! Louise, dit Bienville en s’approchant d’elle, vous me semblez bien triste.

La blonde enfant, fixant sur lui un de ces longs regards qui font battre deux jeunes cœurs à l’unisson :

— Comment voulez-vous que je ne le sois pas, lorsque je vous sais toujours exposé, répondit-elle, tandis qu’une larme perlait au bord de ses longs cils. À peine arrivez-vous de la baie d’Hudson, d’où je tremblais qu’on m’apportât chaque jour la nouvelle horrible de quelque malheur, et voici qu’il me va falloir passer encore par toutes les angoisses qui ont déchiré mon cœur depuis que je vous aime.

— Vous êtes une enfant, Louise, avec vos terreurs puériles. Vous voyez bien que la Providence me protège, vu que depuis huit ans que je guerroye de côté et d’autre, je n’ai reçu aucune blessure sérieuse.