Aller au contenu

Page:Marmette - Heroisme et Trahison - 1880.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui favoriser le débarquement qui étoit à cinq arpens du fort, leur silence me fit connaître leur peu de résolution. Je commandai à la Violette notre domestique de faire sentinelle à la porte du fort et de la tenir ouverte pendant que j’irois moi-même au bord de la rivière le fusil à la main et le chapeau sur la tête. J’ordonnai en partant que si nous étions, tués l’on fermât la porte du fort et que l’on continuât toujours à se bien défendre. Je partis dans la pensée que Dieu m’avoit inspirée que les ennemis qui étoient en présence croiroient que c’étoit une feinte que je faisois pour les engager de venir au fort, d’où l’on feroit une vive sortie sur eux. Ils le crurent effectivement, et ainsi j’eus lieu de sauver ce pauvre Pierre Fontaine, sa femme et ses enfans. Étant tous débarqués, je les fis marcher devant moi jusqu’au fort à la vue de l’ennemi. Une contenance si fière fit croire aux Iroquois qu’il y avoit plus à craindre pour eux que pour nous. Ils ne savoient pas qu’il n’y avoit dans le fort de Verchères que mes deux jeunes frères âgés de 12 ans, notre domestique, deux soldats et un vieillard âgé de 80 ans, avec quelques femmes et quelques enfans.

Fortifiée de la nouvelle recrue que me donna le canot de Pierre Fontaine, je commandai que l’on continuât à faire feu sur l’ennemi. Cependant le soleil se couche ; un nord-est impétueux qui fut bientôt accompagné de neige et de grêle nous annonça la nuit la plus affreuse qui se puisse imaginer. Les ennemis toujours en présence, bien loin de se rebuter d’un tems si fâcheux, me firent juger par leurs mouvemens qu’ils vouloient escalader le fort à la faveur des ténèbres. J’assemble toutes mes troupes c’est-à-dire six personnes auxquelles je parlai ainsi : « Dieu nous a sauvés aujourd’hui des mains de