Page:Marmier - Au bord de la Néva, 1865.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ardentes, un cri de colère, un cri de vengeance contre l’adversaire du malheureux Pouschkin, et fut exilé dans le Caucase. En lisant ces vers, où il n’entre pas la moindre idée révolutionnaire, on se demande comment ils ont pu être condamnés si sévèrement par le gouvernement du czar. Mais il est probable qu’ils ne furent que la dernière raison d’une sentence provoquée par d’autres manifestations de Lermontof, par plusieurs acerbes épigrammes qu’il répandait un peu trop facilement autour de lui.

Quoi qu’il en soit, la condamnation qui le frappait eut sur son esprit et sur son caractère une profonde influence. L’aspect des nouvelles régions où il était appelé à vivre, les grandes scènes du Caucase, les mœurs, la physionomie de ces peuplades à demi barbares, firent éclater en lui cette poésie énergique, chaudement colorée, impétueuse, quelquefois sauvage, qui nous frappe si vivement dans son Ismaël Bey, dans son Enfant du Tscherkesse, et dans la plupart de ses chants lyriques.

En même temps, le douloureux froissement qu’il ressentait de son exil acheva de développer en lui les germes funestes d’une nature sombre, misanthropique, froidement railleuse.

Ses œuvres sont la fidèle expression de l’amertume presque continuelle de sa pensée. Ces quelques vers que nous traduisons littéralement peuvent donner une idée de son âpre railerie et de son morbide découragement.