Page:Marmier - Au bord de la Néva, 1865.djvu/5

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Je te rends grâces, ô Seigneur !
Du tableau varié d’un monde plein de charmes,
Du feu des passions et du vide du cœur,
Du poison des baisers, de l’âcreté des larmes,
De la haine qui tue et de l’amour qui ment,
De nos rêves trompeurs perdus dans les espaces,
De tout enfin, mon Dieu ! Puissé-je seulement
Ne pas longtemps te rendre grâces !

Comme l’a dit un écrivain russe, M. A. Herz, qui l’a connu à Pétersbourg, Lermontov traînait après lui le plus triste des fardeaux, « le boulet du scepticisme. »
Le roman que nous publions nous présente un homme jeune encore et déjà desséché par cette maladie morale. De telles images peuvent être un utile enseignement. Elles peuvent arrêter dans la voie de l’incrédulité et de l’égoïsme ceux qui descendraient vers cet Averne où la pente est glissante et d’où l’on remonte difficilement.

Sur les rocs du Caucase, Prométhée expiait l’audace qu’il avait eue de ravir le feu du ciel. Au pied du Caucase, l’écrivain russe nous montre un fils de la civilisation moderne éteignant dans son glacial ennui la dernière étincelle de son cœur.

Lermontov n’avait pas trente ans lorsqu’il composa cette œuvre. On y trouve, avec la fougue de la jeunesse, les qualités d’un talent qu’on dirait mûri par l’âge, l] y a là des traits d’observation d’une finesse remarquable, des physionomies