Page:Marot - Les œuvres de Clément Marot, de Cahors, valet de chambre du roy, 1547.djvu/34

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Estre trop forte, et fiere forteresse
Pour Chevalier si foible que j'estoie,
Voyant aussi que l'amour, où jectoie
Le mien regard, portoit douleur mortelle,
Deliberay si fort m'esloigner d'elle,
Que sa beaulté je mettrois en oubli:
Car qui d'amours ne veult prendre le pli,
Et a desir de fuir le dangier
De son ardeur, pour tel mal estrangier,
Besoing luy est d'esloingner la personne,
A qui son cueur enamouré se donne.
    Si feiz des lors (pour plus estre certain
De l'oublier) ung voiage loingtain:
Car j'entreprins, soubz espoir de liesse,
D'aller chercher une haulte Deesse
Que Juppiter de ses divines places
Jadis transmist en ces regions basses
Pour gouverner les esperitz loyaulx,
Et resider en dommaines Royaulx.
    C'est ferme Amour, la Dame pure, et munde,
Qui long temps a ne fut veue en ce Monde.
Sa grant bonté me fit aller grant erre
Pour la chercher en haulte Mer, et Terre,
Ainsi que faict ung Chevalier errant.
Et tant allay celle Dame querant,
Que peu de temps apres ma despartie,
J'ay circuy du monde grand partie,
Où je trouvay gens de divers regard,
A qui je dy: Seigneurs, si Dieu vous gard,