Page:Marot - Les œuvres de Clément Marot, de Cahors, valet de chambre du roy, 1547.djvu/364

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Brief, mon esprit sans congnoissance d'âme

Vivoit alors sur la bouche à ma Dame,

Dont se mouroit le corps enamouré:

Et si la levre eust gueres demouré

Contre la mienne, elle m'eust sucé l'âme

En la baisant.


LVIII

Pour ung, qui est allé loing de s'Amye

Loing de tes yeux t'amour me vient poursuivre

Autant ou plus qu'elle me souloit suivre

Aupres de toy: car tu as (pour tout seur)

Si bien gravé dedans moy ta doulceur,

Que mieulx graver se pourroit en cuivre.

Le corps est loing, plus à toy ne se livre:

Touchant le cueur, ta beaulté m'en delivre.

Ainsi je suis (long temps a) sans mon cueur,

Loing de tes yeux.

Or l'homme est mort, qui n'a son cueur delivre:

Mais endroit moy ne s'en peult mort ensuyvre,

Car si tu as le mien plein de langueur,

J'ay avec moy le tien plein de vigueur,

Lequel aultant que le mien me faict vivre

Loing de tes yeux.


LIX

De la Paix traictée à Cambray par trois Princesses

Dessus la Terre on voyt les trois Deesses,

Non pas les trois, qui après grand liesses

Misrent au Monde aspre guerre, et discord:

Ces trois icy avec paix, et accord

Rompent de Mars les cruelles rudesses.