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Viroflay, le colonel Rieussec, qui a été tué par la machine de Fieschi, l’amiral de Linois[1] et M. Fessard. Celui-ci était un ancien fournisseur des armées retiré des affaires, habitant une charmante petite villa située dans un des plus champêtres faubourgs de Versailles. Vieux garçon, aussi sourd que le Neptune en bronze du grand parc, ce digne homme était d’une conversation pleine de mouvement, de gaieté, d’à-propos, et jouissant largement d’une belle fortune qu’il devait à quarante ans d’un travail assidu.

De temps en temps nous allions à Paris faire de bonnes parties avec quelques amis de l’armée, la plupart jeunes, rieurs, ayant le sang chaud et aussi brillants quand ils avaient le verre que le sabre à la main. Je me rappelle toujours certain souper donné au restaurant Ledoyen, des Champs-Élysées, lorsque Lyautey[2] obtint son brevet de garde du corps de Monsieur, souper

  1. Linois (Charles-Alexandre-Léon, comte Durand de), 1761-1848. D’abord lieutenant de frégate auxiliaire, il devint enseigne de vaisseau en 1781, lieutenant en 1789, et capitaine en 1796. Après l’expédition d’Irlande, le Premier Consul le nomma, le 5 pluviôse an VII, au grade de contre-amiral. Le 6 juillet 1801, il se couvrit de gloire dans la rade d’Algésiras, en écrasant, avec trois vaisseaux et une frégate, une flotte anglaise composée de six vaisseaux. Cet exploit lui valut un sabre d’honneur. Pendant plusieurs années, il commanda le Marengo avec lequel il devint l’effroi de l’ennemi. C’est sur ce navire et accompagné de la Belle-Poule, que le 22 ventôse an XIV, après un combat acharné contre sept vaisseaux de ligne anglais et plusieurs frégates, il fut blessé et fait prisonnier. Retraité en 1816, Charles X le nomma ensuite vice-amiral honoraire, et Louis-Philippe le fit grand officier de la Légion d’honneur.
  2. Lyautey de Colombe (C.-E.-F.), garde du corps de Monsieur, le 7 mai 1819.