Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/233

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été construit tout exprès pour cette réunion. C’était vers la fin de septembre. Chargé avec mon frère, qui occupait les mêmes fonctions que moi, du soin de remettre un cerf dans le canton qui nous avait été assigné, nous partîmes avant le jour et nous ne revînmes qu’après avoir accompli notre mission. Ayant marché pendant plus de quatre heures par un temps froid et humide, nous mourions de faim et de soif, et ce ne fut pas sans un plaisir extrême que nous retrouvâmes notre halte.

« Mon frère et moi avions été élevés dans les principes religieux les plus sévères et nous remplissions avec exactitude les lois prescrites par l’Église. Le jour de la grande chasse du roi était, par hasard, tombé un vendredi. Pour ne pas être exposés à manquer à nos habitudes pieuses au milieu de camarades moins scrupuleux que nous, et qui nous auraient sans doute poursuivis de leurs plaisanteries plus ou moins légères, nous nous étions munis d’un long pain dont ma mère avait remplacé la mie par une omelette copieuse. Après nous être réchauffés devant un grand feu qu’entouraient les meutes, nous nous retirâmes dans une clairière prochaine et nous nous mîmes à dévorer en secret notre maigre repas. Quelques œufs, pour des piqueurs affamés, sont vite engloutis. Nous retournions à notre poste lorsque des éclats de voix attirèrent notre attention du côté opposé à celui du rendez-vous général. Curieux de savoir ce qui se passait sur ce point, je me glissai facilement et sans bruit à travers les massifs, en