Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épreuves. Pourquoi, dès lors, ne serait-on pas disposé à lui beaucoup pardonner ?


J’ai fort connu à Vesoul un honnête homme, un brave soldat au sujet duquel je veux dire quelques mots.

Il faut toujours jeter un voile sur les événements douloureux du passé et ne les rappeler jamais sans une nécessité absolue. La catastrophe du duc d’Enghien est l’épisode politique le plus grave du règne de Napoléon, bien que cet épisode ait eu lieu quarante jours avant la proclamation de l’Empire, mais l’histoire a attribué ce fait à son règne, nous sommes donc obligés de faire comme elle. De plus, le neveu de Napoléon, qui vient de ressusciter sa dynastie, ne verrait sans doute pas d’un œil satisfait qu’on remît au jour de tels événements oubliés et il ne convient ni à nos habitudes ni à notre caractère de blesser qui que ce soit, fût-ce même un empereur, pour le plaisir de le blesser.

Une chose digne de remarque, dans les nombreuses luttes des partis qui se sont succédé au pouvoir en France depuis soixante années et plus, c’est que chaque fois qu’un de ces partis a triomphé, les partis vaincus ont tour à tour jeté à la face du vainqueur un crime honteux. On a reproché à Napoléon Ier la mort du duc d’Enghien, à Louis XVIII la fusillade du maréchal Ney, à Louis-Philippe l’arrestation de la duchesse de Berry, enfin à Napoléon III la confiscation des biens de la famille d’Orléans.